• Résistances au changement, enjeux sociopolitiques et poids de la tradition

    Pourquoi est-il si difficile de réformer les programmes scolaires ?

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    le 07.01.16 

     

    Les nouvelles idées de l’équipe du ministère de l’Education nationale se heurtent parfois au poids de la tradition et à des enjeux sociopolitiques à peine voilés. «J’ai été choqué de retrouver un ouvrage du ''socialiste'' Rachid Boudjedra dans la bibliothèque scolaire, sachant pertinemment ce que ce livre contient dans l’une de ses pages. Comment voulez-vous que l’école avance si l’on enseigne ces âneries à nos élèves ?

    Vouloir enseigner ces auteurs à nos élèves me fait penser qu’il est des fois où le remède est pire que le mal», disait, lors d’une rencontre consacrée à «La place de la littérature algérienne contemporaine à l’école» l’un des inspecteurs de langue arabe, les mains tremblantes de colère. Face à lui, les représentants du ministère serrent les dents. Il faut dire que depuis que la ministre de l’Education a pris les rênes du secteur, ils ont été confrontés à plusieurs formes de résistances. Farid Benramdane, conseiller de la ministre et éminent chercheur, voit derrière ces oppositions des enjeux sociopolitiques à peine voilés.

    Prenons l’exemple du texte argumentatif absent jusque-là des manuels de langue arabe : «Si je n’introduis pas le texte argumentatif de la première année à la terminale, explique M. Benramdane, c’est qu’il y a des enjeux cognitifs liés à la façon de réfléchir. La méthode traditionnelle dans laquelle l’argumentation n’a pas sa place s’accommode très bien avec l’ordre établi. Il ne faut pas se faire d’illusions. Le texte argumentatif est interdit dans certains pays car il s’agit du commerce de l’intelligence», tranche-t-il. Il y a, selon ses propos,  deux types d’approches, l’une traditionaliste basée sur le parcœurisme, et une autre porteuse de sophisticité dans ses objectifs et dans ses procédures.

    Le chercheur a identifié trois types de réactions. Il y a, d’abord, les réactions épi-didactitiques des principaux acteurs liés notamment au poids de la tradition. Ce sont, en gros, tous ceux qui proclament vouloir dispenser leurs cours comme l’ont fait leurs professeurs avant eux, rejetant en bloc toute nouvelle proposition. Farid Benramdane cite notamment des profs de langue arabe qui s’insurgent en entendant dire que la langue nationale est une matière à échec. «Quand, affirme-t-il, on discute avec ce genre d’enseignants, ils font un repli identitaire : la langue arabe avant tout !» disent-ils.

    Devant les statistiques réelles montrant que la langue arabe est une matière à échec, ils répondent : «Comment osez-vous dire cela de la langue officielle et celle du saint Coran ?» Les résultats des examens de langue arabe sont pourtant d’une clarté désespérante : Adrar, wilaya reconnue comme arabophone, a une moyenne ne dépassant pas les 4,87/10. «Comment une wilaya plutôt arabophone peut avoir une telle moyenne en langue arabe ?» s’interroge M. Benramdane. Force est de reconnaître cependant que les chiffres de la maîtrise de la langue de Molière à l’école ne sont guère plus réjouissants, même si les crispations sont moins présentes et que son enseignement puise plus facilement dans le domaine de la science du langage et de la cognition.

    Pour comprendre les raisons de la débâcle, il est nécessaire de se pencher sur la manière dont les programmes ont été élaborés ainsi que sur les méthodes d’enseignement utilisées. «Quel est le rapport entre les langues et les enjeux sociopolitiques ? Ma langue, selon Jacques Berque, ne sert pas seulement à dire, mais elle me sert à être. Il y a des enjeux sociopolitiques qui sous-tendent la manière d’enseigner. Quelle est la place de la langue arabe dans son statut de langue véhiculaire ? La langue arabe ne joue pas toute seule, en Algérie ou ailleurs. Comment se fait ce jeu concurrentiel ?» interroge M. Benramdane.

    Or, tout est fait pour que les choses restent en l’état. «Dans la ''Ataba'', glisse Farid Benramdane, le seuil des cours sur lesquels les questions des examens sont axés après de longues grèves des enseignants, on retire justement en philosophie, par hasard, le soufisme. Il y a des enjeux, il ne faut pas être naïf». Les programmes scolaires, tels qu’ils ont été mis en place, pourraient aussi expliquer le rejet - et parfois l’ennui - des élèves. «Les travaux de Hassan Remaoun, chercheur au Crasc,  l’ont prouvé : ce qu’il y a le moins dans les programmes d’histoire en Algérie, c’est l’histoire algérienne», lance le conseiller de la ministre.

    Il y a, en second lieu, «l’attitude instrumentaliste» de certains acteurs qui consiste à tenir un discours d’apparence moderniste, mais qui ne fait, dans le fond, que reproduire des pratiques anciennes. «C’est, explique-t-il, un comportement qu’on trouve aussi bien dans l’éducation que dans l’enseignement universitaire, une tendance qui veut se recycler sans se former. Elle est dangereuse parce qu’elle tient un discours d’apparence moderniste : on y parle d’approche par compétence, de cognitivisme, de socio-cognitivisme, de constructivisme. Mais, en réalité, ils reproduisent des pratiques anciennes. Ils n’opèrent pas une rupture épistémologique et méthodologique. Quand vous discutez avec eux, ils font un repli disciplinaire. Au-delà de leur spécialité, ils ne peuvent pas discuter.

    Ce sont, en gros, des inspecteurs de physique qui se prennent pour des Einstein et des profs de français se prenant pour Saussure. Ils n’arrivent pas à supposer qu’il peut y avoir un statut unitaire du savoir, un soubassement commun cognitif». Enfin, le département de l’éducation dit vouloir encourager une attitude plus empirique, ayant la conviction que l’université et l’école doivent former des cadres supérieurs ayant une fonction critique, éthique et scientifique, la capacité d’anticipation et l’excellence dans les langues quelles qu’elles soient.

    Amel Blidi

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  • Actualités : VIOLENCE EN MILIEU SCOLAIRE «Loin de relever d’un phénomène», selon Baba-Ahmed La violence en milieu scolaire est, selon le premier responsable du secteur, loin, très loin même de constituer un phénomène. M. Kebci - Alger (Le Soir) C’est ce que le ministre de l'Education nationale a défendu avant-hier jeudi. «Le phénomène de la violence en milieu scolaire est limité et ne dépasse pas 1% des 8 millions d'élèves scolarisés au niveau national», a en effet, soutenu Abdelatif Baba-Ahmed en marge d'une journée consacrée au phénomène de violence en milieu scolaire. «La violence enregistrée au niveau des établissements éducatifs est différemment exprimée et l'on compte des formes verbale, corporelle et morale de violence», a indiqué le ministre, avouant que ce fléau «constitue une entrave à toute démarche visant à développer la qualité de l'enseignement et à améliorer le rendement du système éducatif». Baba-Ahmed a encore déclaré que son département travaille de concert avec toutes les parties concernées pour élaborer un plan national de prise en charge de ce phénomène et de tous les problèmes touchant le milieu scolaire. Un plan reposant sur l'inculcation de la culture citoyenne, la promotion du civisme à travers des programmes scolaires, la lutte contre la déperdition scolaire et l'amélioration des conditions de scolarisation avec l'implication des parents d'élèves et le soutien à l'encadrement préventif dans les écoles à travers le recrutement de personnes chargées de l'orientation éducative et l'organisation de campagnes de sensibilisation en coordination avec les secteurs concernés et la société civile. Il est aussi question pour limiter ce fléau, d’un certain nombre de mesures dont, comme l’a relevé l’inspectrice centrale au ministère, Hasna Aoudia, de la révision du règlement intérieur des établissements éducatifs et la mise en place d'un code d'éthique et de mécanismes à l'intérieur des établissements scolaires. En termes chiffrés, le phénomène de la violence en milieu scolaire s’est soldé en 2013 par 159 affaires traitées par les seuls services de la Sûreté nationale. La commissaire divisionnaire Kheïra Messaoudène, qui intervenait à la même occasion, a encore soutenu que les élèves «sont les premières victimes avec 146 cas» pour seulement 8 enseignants, 3 directeurs d'établissements scolaires victimes. M. K.

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  • Régions : Le Soir de l’Ouest
    Aïn-témouchent
    La violence en milieu scolaire objet d’une journée d’étude



    Le lycée Cheikh-El-Bachir-Ibrahimi de Aïn-Témouchent a abrité hier, une journée d’étude clinique et thérapeutique sur la violence et l’agressivité en milieu scolaire. De nombreux conseillers pédagogiques issus des Directions de l’éducation des wilayas de Tlemcen, Oran, Skikda, Relizane et Aïn-Témouchent ont participé à ce regroupement organisé par la direction de l’orientation scolaire de la wilaya de Aïn-Témouchent.
    Selon M. Hammadi Mohamed, directeur de l’orientation de la wilaya d’Aïn-Témouchent, «durant l’année scolaire 2012-2013, il a été enregistré 1 023 cas de violence dans ces trois catégories : 790 cas de violence entre d’élèves,169 cas d’élèves contre l’administration ou professeurs, 64 cas de violence de professeur ou d’agent d’administration contre l’élève». Ces statistiques ont été établies sans se baser sur les enquêtes de victimisation par des spécialistes en la matière. Pour éradiquer ce phénomène de violence et d’agressivité, il faut qu’il y ait des enquêtes sérieuses de victimisation au niveau de chaque établissement scolaire. Les programmes scolaires doivent être conçus de façon à inculquer les thèmes de tolérance, de citoyenneté, et la différence culturelle, etc.
    Selon le participant M. Ramdane Mohamed du lycée Maliha Hamidou, «cette journée est bénéfique pour l’ensemble des participants, la famille de l’éducation, les parents des élèves et la société car la violence est devenue un phénomène dont les causes sont nombreuses et sa résorption nécessite la conjugaison des efforts de tout le monde».
    S. B.


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  • Algérie

    (APS) vendredi 17 janvier 2014 10 : 01
    Violence en milieu scolaire : des cas "infimes" (ministre)

    ALGER - Le ministre de l’Education nationale, Abdellatif Baba Ahmed a affirmé jeudi à Alger que les cas de violence en milieu scolaire étaient "infimes" assurant que les services concernés "traitent ces cas en temps réel conformément aux mécanismes éducatifs et juridiques en vigueur".

    M. Baba Ahmed qui répondait à une question orale d’une députée du parti du Front de libération nationale (FLN), lors d’une séance plénière à l’Assemblée Populaire Nationale (APN), a précisé que "les cas liés à la violence en milieu scolaire dont des rapports nous parviennent sont infimes" soulignant que les services concernés "les traitent en temps réel selon les mécanismes éducatifs et juridiques en vigueur".

    L’intervention dans ce genre de cas "ne relève pas des prérogatives du ministère de l’Education mais concerne les services de sécurité", a relevé le ministre selon lequel des "instructions ont été données aux directeurs de l’Education pour prémunir les élèves contre toute agression en intensifiant les efforts pour sécuriser l’entrée des établissements scolaires et y empêcher la pratique de commerce en coordination avec les services de sécurité et des autorités locales".

    "Les rapports qui parviennent au secteur ne traduisent pas l’ampleur de la situation telle que décrite par certaines sources", a encore souligné le ministre.

    Il a rappelé les démarches visant à réduire ce phénomène à travers l’installation d’un groupe de travail central, en décembre dernier, chargé de la mise en place de mécanismes et d’un plan d’action pour examiner cette problématique et proposer des solutions".

     

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  • Algérie

    (APS) vendredi 17 janvier 2014 09 : 37
    Cours particuliers : il n’est pas facile d’éradiquer le phénomène dans l’immédiat (ministre)

    ALGER- Le ministre de l’Education nationale, Abdellatif Baba Ahmed a affirmé jeudi qu’il n’était pas facile, dans l’immédiat, d’éradiquer le phénomène des cours particuliers" soutenant que la réalisation d’un tel objectif nécessitait des "solutions progressives".

    M. Baba Ahmed, qui répondait à une question orale du député Abdelaziz Mansour du Front du changement lors d’une séance plénière à l’Assemble Populaire Nationale (APN), a précisé que les cours particuliers "se sont en quelque sorte enracinés dans la société algérienne et il n’est pas facile d’éradiquer le phénomène dans l’immédiat".

    Ce problème, a-t-il souligné, exige "des solutions progressives et la conjugaison des efforts de toute la communuaté éducative dans un souci d’assurer à tous les élèves les mêmes chances de succès et préserver le principe de gratuité de l’enseignement".

    Le ministère de l’Education, a-t-il ajouté, privilégie la "voie du dialogue" dans le traitement de ce phénomène appelant à la "préservation des établissements scolaires, la déontologie de la profession et la défense des droits des élèves".

    Il a mis l’accent sur "les conditions inadéquates" dans lesquelles ces cours sont dispensés, "dans des hangars et autres abris sommaires où les critères de sécurité font défaut".

    Pour faire face à ce phénomène, le ministère de l’Education a élaboré un décret portant une série de mesures visant à atténuer la prolifération des cours particuliers et "encourager les élèves à consentir davantage d’efforts.


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  • De la surcharge des classes et du manque d’enseignants

                                           


                                                                   

    "L’erreur est humaine : l’humain est l’erreur" (T. Rousseau)

    La surcharge des classes est un vrai problème que l'éducation nationale ne prend pas au sérieux.                                         La surcharge des classes est un vrai problème que l'éducation nationale ne prend pas au sérieux.

    L’effectif par classe dans nos établissements scolaires, un paramètre incontournable, parmi plusieurs autres, pour un enseignement de qualité ou tout au moins acceptable, fait l’objet de plusieurs sons de cloche. 

    1. La surcharge selon le ministère

    Le ministre de l’Education Nationale a affirmé que le "taux de surcharge des classes dans les établissements éducatifs ne dépasse pas 4,5% au niveau national" pour cette année scolaire et qu’"avec 40 élèves par classe il n’y a pas surcharge, les espaces étant conçus pour contenir 20 tables de deux places, soit 40 élèves par classe" et que ce dernier nombre "est ordinaire" et que "l’on ne parle de surcharge que si le nombre dépassait 40 élèves par classe". Quelques jours plus tard, le ministre affirme que "la moyenne nationale du nombre d’élèves par classe en Algérie estimée actuellement à 33 élèves, est dans la "fourchette" fixée par l’Unesco » et que l’une des causes de cette surcharge est «l’existence d’un déséquilibre entre les différentes filières dans le sens où certaines attirent plus d’élèves que d’autres».

    2. La surcharge selon les autres acteurs

    De son côté, la presse nationale rapporte d’autres chiffres et appréciations. Ainsi, un mois après la rentrée scolaire, le problème de la surcharge des classes à Oran , son agglomération et sa wilaya comprises, «se pose avec une acuité , dans tous les cycles et dans plusieurs établissements où des classes enregistrent pas moins de 42 élèves» , alors qu’ à Tiaret on note que des classes ont atteint 64 élèves. Dans la proche banlieue "toute neuve" d’Oran, à Bir El Djir, il a été relevé, dans certaines classes du primaire, entre 3 et 4 élèves par table. Si ces dernières classes comportent 20 tables, tel qu’affirmé par la tutelle, cela suppose, si nous faisons le compte, qu’il peut y avoir 60 jusqu’à 80 élèves par classe. Il a été également évoqué, au cours d’une session ordinaire de l’APW d’Oran, des classes avec un effectif de 70 élèves, dans certains établissements. Et selon un rapport de la commission de l’éducation de cette APW, une institution officielle qui ne va pas s’amuser à fournir des informations colportées, "les élèves étudient debout et dans des classes toujours pas dotées de chauffage, alors que nous sommes aux portes de l’hiver." Nous pouvons enfin noter qu’un syndicat des enseignants estime que cette année va voir des classes avec un effectif de plus de 45 élèves.

    3. La taille des effectifs dans quelques pays

    Si nous admettons que le problème de la surcharge ne dépend pas seulement du ministère de l’Education nationale, et ne peut être réglé à court terme, notons que sous d’autres cieux, l’objectif de 25 élèves par classe date de 1954, ce dernier taux étant aujourd’hui revu à la baisse. Pour nous situer au sein des nations, il est donc tout à fait naturel d’opérer des comparaisons ; et nous ne le ferons pas avec les grandes puissances de ce monde, mais bien avec quelques pays que nous ne pouvons qualifier de "ténors" en matière de développement.

    En effet, le premier exemple concerne trois Etats nouvellement indépendants, n’ayant aucune tradition démocratique, et dont l’existence est intervenue après la fragmentation de l’Union soviétique, fin décembre 1991 : l’Estonie, la République slovaque et la Slovénie, ont des effectifs moyens par classe inférieurs à 19.En outre, le Mexique et la République tchèque comptent un effectif moyen inférieur à 20, soit 19.9 selon les chiffres officiels. Ce chiffre est de 18.7 pour la Pologne, 20.2 pour le Portugal, 25 pour le Brésil, et 25.6 pour la Turquie. Il faut peut-être ajouter, qu’il y a moins de 16 enfants par classe au Luxembourg. Pour ce qui est de la Tunisie, la moyenne des élèves par classe qui était de 41.7 en 1964 a baissé de façon régulière jusqu’à atteindre 22.1 dans la période qui s ‘étale de 2005 à 2010. Et si le dénombrement de la population peut constituer l’un des facteurs de comparaison, parmi les onze pays cités, notons alors, que quatre pays seulement ont une population supérieure à celle de l’Algérie : 38.5 millions d’habitants pour la Pologne, 74 millions pour la Turquie, 112 millions pour le Mexique et 201 millions pour le Brésil, ces valeurs étant fournies par défaut. Pour poursuivre la comparaison, faut-il préciser que nous sommes mieux lotis en termes de ressources en gaz et en pétrole (réunis), que tous les pays cités.

    4. Interrogations

    Que dire face alors aux différentes déclarations ? Quel est donc ce critère qui permet de dire qu’une classe de 40 élèves n’est pas surchargée, parce que l’espace permet de contenir 20 tables de 02 places, puis d’affirmer que c’est ordinaire ? Si donc l’espace permet de contenir 40 tables, nous comprendrions que le ministère se serait permis de planter 80 bambins face à leur enseignant. Et que signifie ce taux de 4.5% ? Si nous comptons autrement, avec une classe de 60 élèves au lieu de 40, la rallonge des effectifs est à 50%. Au pifomètre, comment une moyenne sur un taux peut- t-elle chuter de 50 à 4.5% et quand le phénomène des grands effectifs est largement constaté ? Et puis un taux quel qu’il soit, ne devrait, en aucun cas nous faire oublier qu’il y a des classes surchargées et d’autres dépourvues d’enseignants, et ceci handicape aussi bien les enfants que les enseignants. Et quoi dire, quoi penser, quand on déclare que 40 élèves dans une classe c’est ordinaire, pour affirmer quelques jours plus tard que 33élèves par classe est une moyenne nationale qui se trouve dans la fourchette fixée par l’Unesco ? 

    Comment la tutelle estime que 40 élèves par classe, c’est ordinaire ? Au lieu du mot ordinaire, on aurait pu utiliser le mot normal ; c’est si courant chez nous, comme mot passe partout. Est-ce normal de masser au moins quarante enfants ou adolescents dans une salle, parce celle-ci peut contenir 20 tables de deux places ? Au passage, comment peut-on envisager d’alléger le cartable, en casant des casiers dans les classes, alors qu’il y a d’abord un manque de chaises et de tables ? Il est vrai que devant des classes de 60 ou 64 ou 70 élèves, 40 élèves c’est normal. Question de faire un parallèle, cela rappelle cette crise de logement ; car pour ceux qui ont la chance d’avoir un toit, on pourrait peut-être dire que c’est normal qu’une famille de vingt personnes occupe un F3, avec cinq personnes par chambre et le reste de la famille «distribué» entre les couloirs et la cuisine. Et nul espace, on entasse semble être l’unique recours. Quant à la surcharge justifiée par des filières plus attirantes que d’autres, il est évident qu’en principe, l’orientation se fait sur la base des notes acquises par l’élève, et pas seulement son vœu ou celui de son papa, sauf si les passe-droits et autres irrégularités sont devenues une règle; de tels agissements nuisent à l’enfant en premier lieu.

    5. De quelques impacts des effectifs dans une classe

    Plusieurs études ont démontré de manière irréfragable qu’"un petit effectif est favorable aux apprentissages" que l’"avantage est durable" et qu’"il est particulièrement remarquable pour les élèves qui proviennent de catégories sociales peu favorisées". Par ailleurs, si une autre étude effectuée par un laboratoire en science de l’Education, a montré que «  la réduction des effectifs avait un impact restreint au collège ou au lycée, il n’en demeure pas moins qu’il est significatif pour les élèves du cycle primaire ». On note également que la réussite scolaire dépend de la qualité de la formation des enseignants et des méthodes pédagogiques, et que la qualité et la motivation du corps professoral sont des conditions sine qua non pour la réussite scolaire. Nous pouvons ajouter qu’un chercheur du nom de Thomas Piketty a indiscutablement établi "l’impact très positif de la réduction des effectifs sur la réussite scolaire".

    Parmi les impacts négatifs qui résultent de la surcharge des effectifs, les pratiques condamnables qui en découlent sont nombreuses tels la démotivation de l’élève et de l’enseignant, la fraude, l’indiscipline, la crise de nerf de l’enseignant, les châtiments corporels, la violence, la délinquance, et autres qui pointent forcément le nez.

    6. Rentabilité pour l’Etat et politique de recrutement des formateurs

    Une nouvelle étude publiée par The Quarterly Journal of Economics (Oxford) montre un impact positif dont une rentabilité pour l’Etat, quand l’effectif d’une classe est réduit. En Algérie, la surcharge des classes ne résulte pas uniquement des infrastructures qui accusent un retard dans la réception ; il s’agit aussi, pour la Fonction publique, de repenser de manière urgente, la politique des recrutements. En effet, on sait que les pouvoirs publics éprouvent de grandes difficultés pour trouver une solution à l’emploi des jeunes dont 21,5% qui ont moins de 35 ans sont chômeurs, selon de récentes statistiques du FMI, comme rapporté par l’AFP et des titres de la presse nationale. L’écrasante majorité des algériens étant jeune, une bonne partie de celle-ci étant constituée de chômeurs diplômés de l’enseignement supérieur, il semble plus rentable pour l’Etat de les recruter au niveau de l’Education nationale, que de les aider à créer leur propres entreprises, à travers les programmes de soutien de l’Ansej. En effet, cette agence de la mamelle absorbe annuellement, selon nos experts, des milliards de dollars, pour voir en fin de compte, 50% ces entreprises soutenues, faire faillite, et près de 40% de recouvrement des prêts non honorés. Avec ces dispositifs de soutien censés créer de la richesse et de l’emploi, la dépense publique se trouve ainsi grevée, face à la disparition, pour cause de faillite, de ces entreprises soutenues. Il parait donc plus rentable d’investir dans l’éducation et de recruter les jeunes diplômés chômeurs dans l’Education nationale, si on les encadre, en collaboration avec les établissements d’enseignement supérieur (universités et autres écoles), en leur assurant une formation continue, comme cela se fait ailleurs. Il est donc urgent de réfléchir à un partenariat entre les diverses institutions éducatives et de formation.

    Conclusion

    Qu’y-a-t-il alors à espérer dans une classe surchargée, avec un programme surchargé et un enseignant (quand il existe) dépourvu de divers moyens pour assumer ses obligations ? Si la réduction de la taille d’une classe est une condition nécessaire pour mettre en œuvre une pédagogie plus ou moins différenciée, elle est de surcroit, insuffisante pour avoir un enseignement de qualité répondant aux attentes de ce millénaire. Notons également qu’un réel allègement des programmes qui nécessite une révision scientifique des contenus, dépourvu de tout populisme et se basant sur des critères intrinsèquement pédagogiques, contribue dans une certaine mesure et implicitement, à l’atténuation du problème des effectifs. L’auteur de ces lignes n’est pas le seul à affirmer résolument, que des solutions existent et ont été proposées à maintes reprises, par maints acteurs du domaine.

    Et si d’aucuns justifient la difficulté de résoudre cette surcharge, en expliquant que le budget alloué à l’Education est le deuxième dans l’échelle de l’Etat et ne peut être revalorisé de manière significative, pour mettre fin à autant d’insuffisances, d’autres rétorquent qu’il s’agit d’un problème de gestion et de rigueur avant tout, autrement dit de gouvernance scolaire, donc de compétences à tous les niveaux, afin de mieux disposer des ressources financières allouées ; mais cela est une autre histoire qui nécessite d’autres développements.

    En somme, en dépit des ressources financières dégagées par l’Etat et de compétences humaines disponibles mais ligotées, l’absence de planification ou l’incapacité de réaliser des études prospectives, le bidouillage populiste vêtu d’une communication institutionnelle à l’emporte-pièce ne fera qu’exacerber le marasme. Sachant l’état peu reluisant du système éducatif, qu’est ce qui empêcherait la tutelle, avec l’arrivée d’un « nouveau » ministre, d’user de nouveaux propos empreints d’une franchise qui mobilise, en avançant des arguments plus convaincants ?

    Rachid Brahmi


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